Carnet de route

Pene d'Udapet : des souris et des hommes
Le 18/06/2021 par Paul
Vers 19h30 nous avons attaqué la raide marche d'approche chargés de près de 35kg chacun (eau et vivres pour 3 jours, matériel de grimpe habituel, matériel de trad exhaustif au cas où, 4kg de pitons, autant de plaquettes et goujons, perfo avec 2 batteries, matériel de bivouac etc...). Je marche plié en deux en mettant régulièrement les mains par terre (la pente est raide) tandis que Lorenzo avance gaillardement avec son chargement pourtant aussi lourd mais de surcroît bien plus encombrant que le mien. Nous mettons 1h15 là où il faut d'habitude 45 minutes et nous perdons un litre de sueur au passage.
Arrivés au pied de la paroi, nous brûlons d'impatience d'aller repérer l'attaque de la voie avant la nuit. A mesure que nous approchons, la dalle orange qui marque le départ se révèle de plus en plus raide et fâcheusement lisse ! Heureusement la ligne de faiblesse tant espérée apparaît enfin : deux fissures verticales reliées par une écaille inversée. Ouf, le départ est sauvé.
Nous rentrons rapidement installer la tente. Après un peu de nettoyage et de terrassement nous la posons finalement sur une terrasse très correcte au milieu de cet environnement franchement pentu et caillouteux. Les lieux sont habités par d'adorables souris qui semblent très intéressées par les restes de notre dîner. Nous découvrirons le lendemain que ces charmantes bestioles ont fait un magnifique trou dans la tente pour venir croquer nos provisions (1er round).
Au matin nous attaquons sans précipitation, avec avant tout l'envie de bien faire. La première fissure se protège bien et il y a tout ce qu'il faut pour grimper, un régal. Suspendu à deux crochets je pose la première plaquette légèrement sur la droite pour amorcer la traversée vers la deuxième fissure. Manque de chance, la magnifique grosse écaille, qui doit permettre de traverser, se révèle au bord de la rupture. Il faut donc rebrousser chemin et monter plus haut pour traverser sans toucher à cette lame suspendue. La fin du mur orange marque la fin des difficultés mais pas des surprises, car arrivé à l'emplacement présupposé pour le relais, je tombe sur une brèche profonde de 3-4m et large d'un petit mètre. Après pas mal d'hésitations, je décide de continuer pour faire le relai plus haut. En installant un goujon de l'autre côté de la brèche je sécurise la traversée et je me retrouve rapidement face à un mur bien vertical. Je ne parviens pas à passer à gauche et j'hésite longuement car la droite ne m'inspire guère plus. Après avoir buté à droite comme à gauche, je décide de traverser encore plus à droite et j'accède à une rampe plus facile qui mène directement à un replat idéal pour un relais. 48m parcourus constituent déjà une belle longueur. Lorsque Lorenzo arrive nous tombons d'accord sur la cotation : 6a+ pour la première section, V voire V+ pour la suite. Le hissage du sac se passe bien dans cette longueur plutôt rectiligne et verticale.
Le mur qui surplombe le relais est très avare en prises donc nous décidons sans hésiter d'attaquer par une petite traversée sur la droite qui permet de rejoindre un dièdre peu marqué, très joli, pas dur et facile à protéger avec notamment quelques belles lunules. Le dièdre débouche sur une mini vire et la suite risque de devenir très végétale et sur un rocher douteux. A cet instant Lorenzo me souffle la solution : après une traversée sur la gauche sous un surplomb il semble possible de rejoindre une fissure verticale parfaite. La traversée est relativement fine pour les pieds avec de jolis mouvements très facilement protégeables. L'attaque de la fissure verticale demande par contre un lever de jambe qui met à mal nos adducteurs rouillés par 6 mois de quasi absence d'escalade. L'enchaînement est superbe. La suite se révèle moins intéressante, végétale et en rocher variable, jusqu'au relais aux abords de la grande vire qui raye cette jolie face. Verdict : 6a pour la traversée et la fissure. Cette fois-ci par contre le hissage du sac est nettement plus laborieux. Lorenzo le monte en même temps que lui pour le désenchevêtrer des nombreux arbustes de la deuxième partie. La journée est passée vite donc après ces 100m d'ascension nous redescendons à la tente par la grande vire puis par un beau rappel de 50m.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. De retour à la voiture, une fois sortis de la piste et de retour sur le bitume, le moteur broute étrangement. Nous feignons l'indifférence quelques kilomètres mais la voiture manque clairement de puissance et des voyants commencent à s'allumer. Lorsque nous ouvrons le capot nous tombons sur un trou béant dans une durite, pas de chance. Nous tentons une réparation au scotch qui tiendra quelques dizaines de kilomètres mais la première vraie côte aura raison de notre bricolage. La suite est moins intéressante : assurance, dépannage etc... Mais ce qui reste incroyable est la cause de la panne : plus nous observons ce trou en attendant la dépanneuse et plus l'évidence nous saute au yeux. Un rongeur a grignoté le tuyau, ça ne fait pas l'ombre d'un doute ! Le garagiste fera le même diagnostic en nous expliquant que ces bêbêtes aiment l'amidon que contiennent les gaines et les tuyaux. Ce fut le 2ème round.
C'est ainsi qu'après moultes réflexions pour choisir le nom de la voie, pour respecter l'homogénéité des noms du site et pour évoquer nos origines maritimes, nous décidons d'appeler notre voie : "L'Embarcadère des Souris".